"
un peintre qui joint
deux lignes n'est pas
un charpentier qui joint deux lignes.
Pour le charpentier,
il ne s'agit
que d'assurer la solidité de sa construction; pour le
peintre, il s'agit d'assurer la continuité de l'influx
énergétique"
Huang
Binhong
Pour les Chinois, les arts majeurs sont la
poésie, la peinture, la calligraphie, la musique.
Les arts corporels vont du qi gong (travail du souffle vital) aux arts martiaux.
L' opéra chinois comporte un apprentissage multiple : chant, acrobatie,
arts martiaux, théâtre, musique.
Plusieurs
grands maîtres de ces arts ont écrit des traités.
On retrouve un principe commun à tous ces arts :
Le concept du QI (souffle vital) est le dynamisme commun à tous ces
arts.
L'élan vital est le support de la création.
Cette énergie du macrocosme (le monde) et du microcosme (soi-même) va
être injectée dans chaque oeuvre artistique.
Prenons
un extrait du traité du grand peintre Huang Binhong (1865-1955) et essayons de faire un parallèle avec les arts martiaux.
Ces extraits sont tirés du livre de
Simon Leys "Essai sur la
Chine" Bouquins Robert
Laffont
Extrait
des propos de Huang Binhong sur
la peinture
(traduction Simon Leys page 769 à 772)
Dans
les théories picturales des anciens, il est constamment question
"des règles qui résident dans l'absence de règles",
"de l'ordre qu'on trouve au milieu du chaos",
"l'équilibre du déséquilibre",
"la ressemblance de la non ressemblance",
"la nécessité tout à la fois de se soumettre à la discipline et
de lui échapper".
Ce sont des principes suprêmes de l'art de peindre, et on fera bien de
les
méditer en profondeur.
En
peinture, ce qu'il faut éviter à tout prix, c'est de produire un effet :
mort, plat, raide, bourbeux, mince, petit, coulant, léger, superficiel,
suave, facile, flottant, gracieux, rutilant.
Ce qu'il faut atteindre, c'est un effet :
Lourd, grand, altier, massif, solide, essentiel, savoureux, vieux, fruste,
vivant, pur, rare, harmonieux, viril.
Petit extrait joyeux
des propos de Huang
Binhong
Pendant
que l'on peint, il faut que l'esprit soit étroitement concentré.
On ne peut laisser la bride sur le cou ni l'abandonner aux envols de sa
fantaisie.
Il faut contrôler le débit d'encre de chaque coup de pinceau,
et tenir le pinceau en stricte lisière.
Quand on se promène dans la nature,
il faut à la fois s'abandonner aux libres ivresses
de l'inspiration et conserver le recueillement silencieux
d'un vieux moine en train de rapetasser son froc.
Voici mon humble commentaire personnel en rapport avec
les arts corporels énergétiques et martiaux de ce qu'il faut atteindre.
Effets à atteindre
dans les arts corporels
LOURD
la
sensation d'être lourd est primordiale pour les arts martiaux. Cette
lourdeur
naît de la décontraction du corps. Un corps détendu peut devenir très
lourd.
La lourdeur permettra la création de la sensation de légèreté.
Cette possibilité d'être lourd ne peut être ressentie qu'en touchant.
L'aspect extérieur semble léger, l'effet de lourdeur dans les arts
martiaux
se ressent au contact et est donc invisible à distance.
GRAND
Se
sentir grand, avoir de grandes techniques est une constante
dans le domaine martial. La création du corps martial dans
son amplitude permettra de connaître nos limites et notre
propre allongement du corps dans l'espace.
Dans l'art martial, il ne faut pas "déborder" cette allonge et
connaître
les points de déséquilibre dans toutes les directions.
Savoir s'allonger sans tomber, savoir grandir en gardant les appuis au
sol.
on devient grand par rapport au centre du corps.
ALTIER
Avoir
de la prestance : une manière d'être grand naturellement.
MASSIF
Dans
les arts martiaux, nous devons être massif comme un roc.
Le terme massif signifie cette sensation globale du corps.
SOLIDE
Être
solide psychologiquement et corporellement est une condition
pour une longue pratique du corps.
Pour cela, il faut un apprentissage pendant de longue années.
Pour rester solide, il faut un entraînement quotidien
sans exagérer l'intensité.
ESSENTIEL
Trouver
les choses essentielles pour trouver la tranquillité dans la
pratique.
Enlever le superflu pour ne garder que les techniques utiles pour
notre santé et l'art martial.
Trouver la simplicité permettra d'approfondir l'essence de la
pratique.
SAVOUREUX
Le
terme savoureux pour les arts martiaux renvoie au plaisir
corporel.
Faire des choses savoureuses pour le corps et l'esprit est
la condition d'une pratique quotidienne.
VIEUX
Penser
à l'avenir, ne pas brûler toute l'énergie de la jeunesse.
Choisir des techniques qui pourront être pratiquées dans la vieillesse.
Préparer son corps à vieillir.
Pour les arts martiaux, notre corps est l'instrument
il faut savoir évoluer avec l'âge.
Au point de vue martial, les vieilles techniques sont toujours
plus efficaces (santé et combat) que les techniques modernes.
FRUSTE
Avoir
des techniques rugueuses avec un tempérament rude permet
de vivre et de traverser les difficultés de la pratique.
En art martial, les techniques efficaces sont toujours un peu primitives.
Le combat de survie est toujours grossier.
Dans l'étude des techniques, il faut garder ce contenu sauvage.
VIVANT
Vivre
l'instant, penser à la vie.
Préservons et respectons tout ce qui vit
sur terre.
Rendre notre pratique forte et vive.
S' entraîner avec amour en aidant les autres.
Positiver pour rendre durable et plein tous les moments.
La sensation vivante du corps sera plus grande en cherchant la fluidité
interne.
Le mouvement est synonyme de vivant,
Le mouvement existe même dans l'immobilité.
PUR
La
recherche de pureté est aussi un point commun à tous les arts.
Pour les arts corporels, cette idée s'associe au concept du nature.
Retrouver la pureté originelle, modeler le corps pour enlever les
contraintes.
Enlever tous les blocages physiques et psychologiques est une démarche
constante.
Chercher notre nature profonde permet de toucher le début de toutes
choses.
Garder une âme d'enfant pour s'émerveiller chaque jour.
RARE
Ce
concept va dans le sens d'unique.
Créer notre propre "style corporel" en transcendant la simple
imitation.
Considérer chaque technique comme une chose précieuse.
HARMONIEUX
L'harmonie
est aussi un point commun à tous les arts chinois.
Cette recherche mènera à la sensation globale.
L'harmonie interne (détente) va enrichir la sensation d'écoute avec le
partenaire.
Les exercices commencent en créant l'harmonie.
En connaissant l'harmonie
on pourra mieux faire face à la discordance (combat martial).
VIRIL
Ce
terme ne convient pas spécialement aux arts.
On pourrait parler de force qui englobe
le yin (féminin) et le yang (masculin) dans les arts chinois.
Sans le côté féminin ou masculin, la vraie force naissant
de la détente et de la globalité ne peut pas exister.
Bien
sûr ces principes ne sont valables dans les arts martiaux,
que s'il y a la possibilité de créer sa propre "manière de
faire".
Pour cela il faut connaître les conceptions techniques
des arts internes (tai ji, xing yi , ba gua, yi quan) et aussi
des arts externes et dépasser les clivages d'école.
Dans les arts martiaux il y a deux créations :
La création du corps en rapport avec
l'espace interne et externe La création des techniques pour le combat