Dans la plupart des arts martiaux asiatiques,
iI existe des formes chorégraphiques codifiées (kata ou tao-lu).
La
particularité du yi quan est l'absence de ces formes.
Le fondateur maître Wang Xiangzhai a introduit des danses libres qui s'effectuent
selon ses propres sensations corporelles, ses années de
pratique et son niveau dans l'art.
On utilise deux noms pour désigner ces danses :
Jian
wu : Les danses pour le bien-être Quan wu
: Les danses de la boxe
Jian : en bonne santé, robuste
Wu : danse
Quan : boxe / poings
Ces
deux termes sont assez récents. Maître Wang avait classé les danses en
quatre formes : danse de la grue blanche, danse du serpent, danse du
dragon, danse de la vague, qui donnent une image des
qualités à acquérir pendant la danse :
Ample et léger comme la grue,
Surprenant et imprévisible tel le dragon et le serpent,
Avoir la sensation du flux et du reflux de la vague.
Dans ces danses, on rejoint le travail des formes animales du xing yi quan
(ancêtre du yi quan), mais sans les formes fixes, pour atteindre un
état corporel idéal.
"De
l'oiseau, je sais qu'il peut voler; du poisson, qu'il peut nager; du quadrupède, qu'il peut marcher. L'animal qui marche, on peut le prendre
avec un filet; celui qui nage, avec une ligne; celui qui vole, avec une flèche
reliée par un fil. Mais pour le dragon je n'en puis rien savoir :
s'appuyant sur vent et nuages, il s'élève dans le ciel... J'ai vu
aujourd'hui Laozi : il ressemble à un dragon!"
Confucius
Comment
créer ces danses ?
La
création suppose l'acquisition des bases corporelles et techniques.
Les bases sont les postures (zhan zhuang), les mouvements lents
et rapides (shi-li),
les déplacements (moca-bu)
et les mouvements explosifs (fa-li), ces derniers étant facultatifs pour
la danse de
bien-être.
Les danses sont des enchaînements du contenu technique du yi quan.
Les déplacements se font dans toutes les directions selon notre capacité créatrice,
sans limite de temps. La création libre peut commencer à n'importe quel
niveau.
Les sensations d'appuis sur le sol et dans l'espace donnent la direction
et l'amplitude.
Exemple :
Sur un mouvement vers l'avant, l'appui du pied au sol dirige le corps
entier. si on change d'appuis en appuyant vers le haut, le corps et les
bras vont monter légèrement. Le mouvement devient perpétuel suivant la
direction donnée par les pieds. L'étude des appuis et des changements de
directions sont la base des danses libres.
Les enchaînements dans la danse deviendront de plus en plus complexes au
fur et à mesure des années de pratique.
Que
recherche-t-on dans les danses ?
La
première chose est le plaisir de bouger. Ensuite les mouvements enchaînés
librement permettent de jouer avec le plein et le vide, l'ouverture et la
fermeture, le haut et le bas. Les changements spatio-temporels vont
permettre au corps d'avoir une grande disponibilité, une ampleur et un
équilibrage des fluides internes.
Le moteur (la musique) des danses sont les sensations internes.
Ressentir le corps liquide, à la fois lourd et léger dans des
gestes détendus et continus engendre le neijing (la force interne).
Les
danses pour le bien-être et le Qi Gong
La
particularité du yi quan et du yang sheng gong (qi gong) est l'adaptation
des gestes par rapport
à l'environnement. Pour la santé (suivant la vision chinoise de l'homme),
le
calme, le relâchement, la fluidité et la décontraction gestuelle
suffisent pour maintenir le corps et l'esprit dans un état équilibré idéal.
Pour les danses de bien-être, pas besoin de mouvement explosif ni de
connaissance martiale. Il suffit d'enchaîner des gestes continus qui vont
amener des sensations agréables (relâchement du corps, meilleure
sensation de soi, souplesse articulaire et renforcement naturel du corps).
Les rythmes de la danse peuvent varier suivant nos envies et nos
dispositions. La lenteur entraînera le calme et la plénitude. La vitesse
engendrera la dispersion et l'extériorité.
La danse est correcte quand elle procure du plaisir sans courbatures ni essoufflements.
Les danses de bien-être sont les prémices des danses
martiales.
" Danser, c'est être souple.
Danser, c'est prendre conscience de son corps,
dans un espace, sentir le moindre muscle.
Danser, c'est déja rêver, les pieds sur terre,
la tête dans les étoiles."
Philippe Fusaro
Les
danses martiales
Les
danses à caractère martial sont réservées à ceux qui pratiquent l'art de combat. Dans ce cas il faut
:
Connaître
l'utilisation de chaque geste, et connaître les limites corporelles à ne
pas dépasser pour éviter des déséquilibres
et des vides,
Remplir l'espace d'une manière intense pour pourvoir réagir à tout
moment et construire une gestuelle sans début ni fin,
Avoir acquis la
détente explosive.
La recherche dans les danses martiales est une gestualité
qui contient des possibilités de réaction variées : un déplacement, une
esquive, une parade, une attaque, souvent sans les exprimer vraiment,
plutôt comme un potentiel.
Par rapport à la danse de bien-être, le corps devient comme
"une batterie électrique" qui a des niveaux de charges
différentes du 10 volts à 1000 volts. Cela nécessite beaucoup
d'expérience dans l'art de combat afin de rester réalistes dans ses
mouvements et sa manière d'être (se détendre sans
être mou, exploser sans tension superflue).
La danse du bien-être est la danse d'un chat, la danse pour le combat est
celle d'un tigre.
Les danses martiales ne sont pas des combats imaginaires dans le vide mais
une expression de nos possibilités en rapport avec la compréhension de
l'art de combat.
Un
complément pour le plaisir
Les
danses ne sont pas une pratique obligatoire en yi quan et en qi gong. Elles rajoutent
une dimension ludique. La joie de bouger librement dans un espace non
défini permet un lâcher prise.
Les danses ne vont créer ni puissance, ni capacités
martiales.
Les chorégraphies sont personnelles, sans recherche du beau. Elles
permettent de se
découvrir intérieurement et de prendre du plaisir en réveillant le corps
sans contrainte.
"il
renouvelle constamment son dispositif,
"tantôt dragon tantôt
serpent", et
"n'a jamais de formation fixe",
ce qui lui
permet de n'être jamais là où on l'attend,
de ne pas se laisser réduire
et immobiliser.
Non seulement l'adversaire ne peut jamais l'atteindre,
mais il est, de
plus, progressivement désemparé
sous l'effet de ce dynamisme qui
toujours rejaillit."
Han Zhuo