Article
de l'institut de médecine chinoise de Beijing
publié dans la revue La Chine en construction en 1989
Par promenade on entend
ici l'exercice de la marche détendue,
sans souci, qui harmonise naturellement les quatres membres du corps,
et où interviennent toutes les articulations et tous les muscles.
Si on ajoute une bonne humeur, elle stimule la circulation du sang et
du Qi (souffle, énergie vitale) et harmonise le fonctionnement du
système
de jingluo (vaisseaux, méridiens).
Une telle promenade permet
aux articulations de conserver leur souplesse
et renforce les muscles.
Elle permet encore de garder d'entretenir une vivacité d'esprit
bénéfique aux cinq viscères (coeur, foie, rate, poumons et reins).
Fortifiante,
la promenade a également des effets thérapeutiques et
préventifs ; c'est un exercice simple qui convient aux personnes de tout
âge, aux hommes comme aux femmes, de forte ou faible constitution ;
elle peut être pratiquée n'importe où et à tout moment... autant de
raison
qui expliquent sa popularité en Chine.
Quelques points capitaux
On lit dans Préceptes
de longévité pour la vieillesse (Lao Lao Heng Yan),
oeuvre de Cao Tingdong de la dysnastie des Qing (1644-1911) :
" Avant d'entreprendre une promenade, on se dresse, on arrange
ses vêtements pour être à l'aise puis debout, on pratique le
contrôle de la respiration ; ensuite on avance d'un pas tranquille.
Ainsi la promenade se met en forme."
Autrement
dit, la détente de tout le corps est un préalable important pour
donner à la promenade toute son efficacité. Si le corps est entravé
ou
tendu, les membres ne peuvent avoir la relaxation nécessaire aux
mouvements qui manqueront de coordination et les articulations n'ont
pas leur souplesse de fonctionnement. Dans ces conditions bien sur,
le but de l'exercice ne peut être atteint.
La promenade
demande encore d'être dans un état de tranquilité ;
il ne faut pas avoir l'esprit encombré de futilités ; il faut être
dans
un "état agréable exempt de toute contrainte".
On fait le vide de l'esprit; on chasse aussi
la fatigue du cerveau, ce qui est
favorable à la simulation de l'intelligence.
Un esprit calme et une bonne humeur rendent la promenade plus
intéressante. c'est donc là aussi une condition importante de son
exercice.
Sun
Siamo (581-682), un célèbre médecin de la dynastie des Tang,
préconisait de " ne pas marcher vite". La promenade
peut alors paraître
lente ; en fait, la légèreté et l'agilité du pas activent et harmonisent
la circulation
du sang et de l'énergie vitale ainsi que celle des vaisseaux et
méridiens.
Cela
entraîne une bonne coordination entre l'intérieur et
l'extérieur du
corps, résultat que ne donne pas la violence dans les mouvements ;
C'est d'ailleurs pourquoi la promenade convient particulièrement aux personnes âgées, à celles de faible constitution ou encore aux
malades
atteints de maux chroniques.
Dans Préceptes de longévité pour la vieillesse
déjà cité on lit encore ceci :
" Quand on n'a rien à faire, on peut de temps en temps
exécuter dans sa pièce, quelques dizaines de cercles afin de dégourdir
les muscles, d'activer le fonctionnement des vaisseaux et de faciliter
la circulation des méridiens. Au bout d'un certain temps, on peut
progresser,
porter le nombre de pas faits dans ces conditions, jusqu'à cent ou
mille...si par hasard on veut marcher plus longtemps, il faut tenir
compte de sa capacité et ne pas viser la performance..."
Ce qui veut
dire que la promenade doit être pratiquée en fonction de
l'état physique et par étapes. L'exercice ne veut pas dire fatigue ;
après
une promenade on ne doit pas être à bout de souffle ; c'est là un point
important auquel doivent veiller tout particulièrement les personnes
âgées
ou de faible constitution. Même les gens en bonne santé ne doivent pas
aller au-delà de leur force, car la fatigue épuise
l'énergie vitale et compromet la forme, elle est nuisible à la santé.
Les formes diverses
Comme
exercice, la promenade n'a pas de forme définie, mais elle n'est
pas le pur déplacement des pieds, la marche sans objet qui est sèche et
fade. Il vaut mieux la combiner avec d'autres loisirs.
Par exemple,
au printemps, quand le temps se réchauffe, ce peut être
l'occasion d'admirer l'épanouissement des fleurs ou de parcourir
un site
pittoresque pour contempler la vie, le dynamisme d'un beau paysage.
S'il fait un
temps agréable, partez donc en compagnie d'amis vous instruire
auprès d'un savant, jouir du plaisir esthétique en visitant une
exposition,
ou plus simplement de celui de l'excursion en montagne ou d'une
promenade sur une barque ; vous connaîtrez ainsi le véritable plaisir
de la marche contre la passivité des déplacements en voiture.
Placer
l'exercice au coeur des distractions, voilà une caractéristique
de
la promenade ; à chacun donc selon ses goùts ou préférences.
L'allure
Le pas lent
: C'est à dire la promenade légère et régulière à un rythme
de 60 à 70 pas à la minute. Cette allure convient aux personnes
âgées
ou de faible constitution, ainsi qu'au temps qui suit les repas. Elle
est
excellente pour stabiliser l'humeur, chasser la fatigue ; elle
favorise en
outre le bon fonctionnement de la rate et de l'estomac et favorise donc la digestion.
Le
pas rapide : On accélère l' allure jusqu'à 120 pas à la minute.
A la
longue, la pratique de ce rythme stimule le cerveau et fortifie les
jambes.
Mais rapidité ne veut pas dire vitesse. Il n'est pas bon de
marcher vite.
Le
pas du flâneur : Tantôt on marche, tantôt on s'arrête,
tantôt on marque le pas. Ou bien, après avoir marché une certaine distance
on se
repose
un instant, puis on repart. On peut alterner
les allures ou les
distances
parcourues. Ce genre de promenade est bénéfique aux
personnes de
faible constitution ou aux convalescents.
Le moment
La
promenade matinale
Après le lever, c'est le meilleur moment pour
se promener dans les
jardins ou sur les boulevards. Il est alors bon de choisir les endroits boisés,
en particulier de cyprès ou de sapins
verdoyants car l'air frais qu'on y
respire est bénéfique à la respiration
et rafraîchit l'esprit. Simplement,
il faut faire attention à
s'habiller en fonctions des variations climatiques. Essayer également
d'éviter les artères trop passantes, encombrées de monde et de
véhicules, parce que le bruit et
les gaz d'échappement sont nuisibles à la santé ; ils influent aussi
sur l'état
d'esprit du promeneur. La fraîcheur de l'air et la tranquilité
constituent
l'environnement idéal pour la promenade.
La
promenade digestive
Elle est particulièrement recommandée dans
les ouvrages antiques traitant de médecine traditionnelle. D'ailleurs
le dicton est encore courant de nos jours :
"Faire cent pas après le repas, c'est la garantie de vivre 99
ans." Cette promenade active la digestion. D'ailleurs on en augmente les
effets,
si on l'accompagne d'un auto-massage du ventre.
La promenade avant et après les repas
Dans
un ouvrage de la dynastie des Sui (581-682), on peut lire ceci :
"Faire une promenade de 120 pas, voire beaucoup plus avant
de manger."
Et un autre, de la dynastie des Tang, préconise : "Le repas terminé, d'abord se promener pour activer les organes
internes, puis s'asseoir et s'allonger."
Ce sont là des pratiques qui peuvent prévenir le diabète,
ce que reconnaît
également la médecine moderne, car elles accélèrent les différents
métabolismes, en particulier celui du sucre.
La promenade
vespérale
"Chaque soir, avant de se coucher, faire mille
pas autour de sa chambre... La promenade fatigue le corps et la fatigue
suggère le repos" (Préceptes de longévité pour la
vieillesse)
La promenade
vespérale nécessite un environnement de tranquilité pour calmer le
coeur et l'esprit, et inspirer un agréable sentiment de
confort.
Ceux qui ont des difficultés à s'endormir
ont tout intérêt à se livrer à une
marche à pas rapides pendant une quinzaine de minutes ; ceux qui
sont excités doivent au contraire choisir la promenade à pas
lents. On dit q'une
longue pratique de tels exercices apporte souvent des effets
bénéfiques.
Mais le
dernier, et peut-être le plus important des conseils concernant la
promenade, sera celui de sa persévérance.
Mais la promenade ne doit pas être une corvée, elle doit rester un
plaisir.
Sous toutes
ces conditions, la promenade est gage de bonne santé,
elle est même, selon de nombreux experts, préférable à la pratique
de
cent autres exercices.
Frédéric GROS
Marcher, une philosophie Flammarion
Champs essais
Présentation
de l'éditeur
:
"
La marche, on n'a rien trouvé de mieux pour aller plus lentement. Pour
marcher, il faut d'abord deux jambes. Le reste est vain. Aller plus vite
? Alors ne marchez pas, faites autre chose : roulez, glissez, volez. Ne
marchez pas. Car marchant, il n'y a qu'une performance qui compte :
l'intensité du ciel, l'éclat des paysages. Marcher n'est pas un sport.
" Si mettre un pied devant l'autre est un jeu d'enfant, la marche
est bien plus que la répétition machinale d'un geste anodin : une expérience
de la liberté, un apprentissage de la lenteur, un goût de la solitude
et de la rêverie, une infusion du corps dans l'espace... Frédéric
Gros explore ici, en une série de méditations philosophiques et en
compagnie d'illustres penseurs en semelles (Nietzsche et Rimbaud,
Rousseau et Thoreau, Nerval et Hölderlin...) mille et une façons de
marcher - flânerie, errance ou pèlerinage -, comme autant d'exercices
spirituels. 312 pages 7,60 euros