Il existe deux structures ou cartes énergétique internes :

1. Le fonctionnement des processus vitaux
2. La « cartographie » de soi (schéma corporel, émotions, sentiments, mouvements)
 
1. Le fonctionnement des processus vitaux se réalise naturellement  
sans notre intervention , la régulation et l’équilibre interne se font 
par des mécanismes tellement complexes que l’on ne pourrait pas 
intervenir consciemment pour régler tout cet ensemble :  
circulation du sang, digestion, diffusion hormonale, système immunitaire.

Scientifiquement on appelle cela :
Homéostasie «  équilibre dynamique qui nous maintient en vie »
 
Dans la vision chinoise de l’homme, quand le Qi (souffle, énergie) 
circule librement et naturellement , nous sommes dans cet état de 
régulation de la vie (homéostasie).

Les émotions et les sentiments extrêmes modifient l’homéostasie interne

2. La « cartographie » consciente du corps est multiple :
Images de notre schéma corporel, sensations musculaires,
sensation de bien-être, sensation de douleur, sensation de froid, 
de chaud, sensation agréable et désagréable, sensation de douceur,
sensation verticale , horizontale, sensation de fatigue , vide , de plein…..etc

« Enfin le cerveau peut faire plus que de simplement cartographier
les états présents avec plus ou moins de fidélité, il peut aussi 
transformer les états du corps et simuler ceux qui ne sont pas 
encore apparus »  
Antonio Damasio

Comment faire pour changer les états du corps en Qi Gong?
 
Nous avons plusieurs possibilités :
Nous pouvons changer et stimuler  les états de corps en utilisant
3 supports qui se mélangent suivant les situations :

1. L’introspection
2. Les émotions ou sentiments
3. Les mouvements
 

Dessin de "Homunculus moteur"

1. Introspection ou visualisation interne

Comme on le voie dans le dessin de « Homunculus », certaines
parties du corps prennent une grande importance dans le cerveau,
cela va jouer dans notre propre « sensation de notre schéma corporel ».
Nous constatons que les mains et le visage y occupent des surfaces
proportionnellement démesurées.

« Les injonctions sous forme d’exercices des mains constituent
toujours une stimulation  particulière du cerveau. »  L. Landsman

Pour changer notre propre vision de soi, nous devons prendre l’habitude d’aller
visualiser et sentir notre intérieur. Nous pouvons commencer par les mains
puis petit à petit agrandir notre regard interne vers le ventre, les membres,
les pieds pour arriver à avoir une vision globale de soi

Cette vision globale va permettre de connaître notre état musculaire,
émotionnel et sensoriel. A partir de là, nous  pouvons changer ces états suivants
nos objectifs (vitalité, calme, endormissement, renforcement, bien-être, etc...).
En Qi Gong, le regard intérieur va être le moteur pour mobiliser 
notre potentiel énergétique.

Dessins des trajets énergétiques (jingluo ou méridiens)

Visualisation spécifique au Qi Gong

Il existe une multitude de visualisations différentes en Qi Gong.
Généralement, l’originalité du Qi Gong est de visualiser et ressentir
certains trajets des méridiens et des points énergétiques.

Cette pratique peut se faire avec ou sans l’aide de la respiration.

Cette méthode chinoise est très efficace pour obtenir
une vision globale de soi avec ces différents « sentiments »
de notre état.

La visualisation que l’on effectue dans les « tai ji qi gong » de
notre école «cartographie»  le corps dans son ensemble en
douceur.

La respiration « expire/inspire » liée à la visualisation interne
va mobiliser tout un processus de sensations internes.

Cette représentation mentale de l’ « air » qui circule dans
les membres, dans le dos, dans les pieds, dans le ventre,
dans les mains va créer une sensation de flux interne doux
qui optimisera notre « sensation de soi ».

« Notez, que ce qui circule ainsi dans notre corps sous l’effet 
de la visualisation, ce n’est pas l’air que nous respirons. 
L’air inspiré, et chacun le sait, ne va pas au-delà des poumons. »
L.Landsman

Ce n'est pas l'air alors qu'est-ce que c'est ?

Dans la tradition  chinoise ancienne, le  souffle postérieur au ciel « hou tian qi »
désigne l’air respiré et la nourriture, le souffle antérieur au ciel « xian tian qi »
ou souffle originel  « yuan qi » est le souffle de vie transmis par nos parents.
Lorsque nous nous concentrons sur la vision intérieure à la chinoise (neigong),
nous essayons d’imaginer et de ressentir « le souffle antérieur » (le flux vital)
de chaque partie du corps .

La respiration peut servir comme guide interne.
Il faut bien faire la différence entre l’air respiré et la sensation interne .
Si la coordination de la respiration avec la sensation ne vous aide pas à
mieux ressentir l’intérieur,il vaut mieux simplement visualiser
les points et trajets sans se concentrer sur la respiration.
Chaque personne pratiquant la visualisation intérieure
va ressentir diverses sensations par rapport à son état :
froid, chaleur dans les mains, chatouillement, engourdissement, légèreté,
pour certaines personnes il n’y aura pas ou peu de sensations particulières .

Ces sensations ne sont pas le but, l’important est d’obtenir
une « vision claire, agréable et détendue de notre intérieur ».

En effectuant cette visualisation « qi gong », notre regard
intérieur a pour but de réveiller et de ressentir le corps en
douceur afin de régulariser et équilibrer notre métabolisme.  

2. Les pensées émotionnelles

« Les émotions proprement dites sont le joyau de la régularisation vitale » 
Antonio Damasio

Les émotions vont pouvoir changer notre état corporel.
Il existe des émotions de premier plan :
Peur, colère, tristesse,  joie, dégout, surprise, mépris
et des émotions de second plan:
Enthousiasme et découragement .

« Les pulsions et les motivations sont des constituants plus simple de l’émotion »
Antonio Damasio

D’abord, il faut percevoir le sentiment (qui change perpétuellement) que l’on
a de soi grâce à l’introspection.Dans le cas d’un sentiment négatif de soi :
douleur, faiblesse, vide, fatigue, énervement, dépression, nous devons 
créer des images calmes, positives et motivantes que l’on diffuse dans 
tout le corps.

Exemple :
Du coton nous entoure et nous protège, nous essayons de ressentir 
la douceur intérieure et extérieure par l’intermédiaire de la sensation musculaire.
Nous faisons couler de l’eau sur nous comme une pluie fine.
Nous imaginons que chaque endroit du corps est traversé par un filet d’eau.

Nous jouons continuellement avec des émotions positives et des sensations
corporelles agréables afin d’essayer de transformer « le sentiment de soi ».

« Le corps et le cerveau sont continuellement 
engagés dans une danse interactive »
Antonio Damasio

Chaque endroit du corps doit pouvoir être « positivé » par la pensée.
Au départ, la sensation de douceur « comme de l’eau qui s’écoule » doit
se transformer en une « grande vitalité interne ».

Pour cela nous allons utiliser la boucle « du comme si »  (concept d’ Antonio Damasio).

« La boucle corporelle du comme si » :

« Le cerveau peut simuler, au sein des régions somatosensorielles
certains états du corps comme si ces derniers se produisaient »
Antonio Damasio

Cette « boucle du comme si » s’utilise en premier lieu avec des images et
des pensées agréables sur la « vision globale de soi » :

Penser que notre corps est baigné de soleil, que nous ressentons
une petite brise marine, peut changer notre propre sensation de soi.

3. Les mouvements et « la boucle du comme si » 

Nous savons très bien qu’un acteur rentre dans la peau du personnage
grâce à des images ou des pensées. Ensuite l’acteur change son jeu
suivant ses émotions.
« La boucle du comme si » est le fondement de l’acteur.

En Chine, cette « boucle du comme si » est utilisée dans les pratiques
corporelles depuis 2000 ans.

Le jeu des animaux ( le plus vieux des Qi gong )
en est un des meilleurs exemples.
L’imitation des animaux pour obtenir
leurs qualités intrinsèques est un moyen
pour changer « notre sensation de soi »
 

Le jeu du singe

Nous allons aussi utiliser cette  « boucle » pour dynamiser et revitaliser le corps
Généralement, dans les pratiques corporelles, nous utilisons essentiellement
le « mouvement réel » : jouer avec un ballon, sauter, courir, marcher

Dans notre pratique du Qi gong, nous utilisons en plus
pour ressentir le geste, l’action ou l’objet :

- La représentation somatosensorielle   
- La représentation visuelle
- Le souvenir de sensations ou d’images

Cela semble compliqué mais est en réalité très simple à mettre en pratique.
Le petit bémol est que cette manière de créer et
de ressentir les gestes n’est pas habituelle.

Explication avec le « zhan zhuang gong » :

J’imagine que je tiens un ballon léger dans les bras, et petit à petit,
je ressens « comme si » ce ballon existait.
La sensation sensorielle du ballon va créer
une « image sensorielle » du ballon.
Plus besoin de penser au ballon.
Nous utilisons cette « image sensorielle du ballon »
comme support au mouvement. Nous pouvons commencer
à jouer avec ce ballon : l’envelopper, le soulever,
le compresser, le porter , le lever. Nous commençons 
à dynamiser le corps grâce à nos sens….

Zhan Zhuang avec des "objets imaginaires"

La représentation visuelle avec
l’imagination du mouvement est
plus évidente dans la série des 
Ba Duan Jin, le mouvement du tireur à l’arc en est un bon exemple. Faire « comme si » on tire à l’arc avec l’intention de décocher une flèche. Si notre image de l’arc est juste, le mouvement du tir à l’arc 
nous apporte « vigueur et force ».

Nous avons vu que nous pouvons modifier notre « sensation de soi »
par l’ introspection, les pensées et les émotions ,
« la boucle du comme si » et le mouvement.
En Qi gong, nous mélangeons tous ces aspects
pour optimiser notre potentiel énergétique.

Exemple :
Dans le jeu du singe, le corps essaie d’imiter le singe (comme si)
pour obtenir ses qualités : adresse, souplesse, agilité, joueur, futé..
Dans la tradition chinoise, le singe est lié à la joie et au feu.

Donc, en pratiquant le jeu du singe, nous obtenons un
cocktail explosif permettant de développer la vitalité. 

Chaque mouvement en Qi Gong peut se pratiquer en variant
les émotions et les images mentales.

Dans la posture de méditation debout « zhan zhuang gong».
nous réalisons le même processus :

1. introspection
2. sensation globale de soi
3. Images ou pensées sur soi ou sur un objet
4. Sensation de l’objet (extérieur et intérieur de soi)
5. Changement émotionnel sur l’objet (mouvement) pour dynamiser le corps.

Exemple :
Quand nous obtenons la sensation de l’objet :
ballon, planche, ressort, peinture, eau , élastiques..etc

Les pensées émotionnelles vont intervenir pour
dynamiser « la boucle du comme si ».
En sentant « la planche sur l’eau », nous créons
une pulsion interne ou impulsion ( comme une vibration) qui
va faire bouger légèrement la planche. Si cette pulsion vient
d’ une pensée claire, ce mouvement sera léger, entier
et donnera une sensation d’ « un courant vital »
en étant détendu et serein.

La globalité du corps « Zheng Ti » et le potentiel énergétique.

La recherche du potentiel énergétique dans le Qi Gong (et pour tous les arts corporels)
est de lier, la pensée, le corps, le geste et les émotions .
Pour cela, la relation corps/esprit sera le moteur pour obtenir la vitalité.

« On oublie souvent que les informations issues de l’intérieur du corps 
s’expriment directement au cerveau par le biais de nombreuses molécules 
chimiques qui parcourent la circulation sanguine et viennent baigner 
des parties du cerveau…. »
Antonio Damasio  

Cette recherche ne dépendra que de « soi-même ».
Le professeur est un simple guide,
l’essentiel se situe à l’intérieur de soi.

La technique du Qi Gong est un simple support. Chacun doit trouver les motivations et l’énergie
qui vont dépasser « la simple technique ».
Cette transcendance aboutira à un
« corps émotionnel et sensible »
En sachant qu’il suffit de vivre de beaux moments et voir de belles images pour transformer notre sensation de soi.

« Aucun ensemble conscient d’images de quelque type et sur quelque sujet que soit ne manque d’être accompagné d’un chœur d’émotions et de sentiments cohérents.
Quand je regarde l’océan Pacifique au petit matin, sous un ciel légèrement gris, je ressens toute une gamme de modifications physiologiques qui, maintenant j’y pense, 
se traduisent par un état de bien-être. » 
Antonio Damasio

Références et sources pour ce document :  

Antonio Damasio est professeur de neurosciences, de neurologie 
et de psychologie.Il dirige l’institut du cerveau et de la créativité 
de l’université de Californie du Sud et est 
professeur adjoint au Salk Institute de la Jolla.

Les extraits de cet article sont tirés de son nouveau livre :
L’AUTRE MOI-MEME les nouvelles cartes du cerveau, 
de la conscience et des émotions.
Edition Odile Jacob Sciences

L. Landsman est un éminent spécialiste du Qi Gong.
Il a traduit de nombreux textes chinois.

Deux livres sont publiés aux Editions « Librairie You Feng »
Exercices chinois de santé pour personnes âgées
Massez-vous à la chinoise

A propos de l’Homunculus :
L'homoncule moteur désigne l'organisation de la commande motrice
des muscles du corps humain à la surface du cerveau. Cette
représentation déformée du corps humain à la surface du cortex moteur
s'appelle l'homonculus de Penfield, du nom du neurologue
américain  Wilder Penfield (1891–1976) qui l'a découverte.

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