Histoire du Qi Gong De l'antiquité à nos jours |
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Les cinq grandes périodes dans l'histoire du qi gong : 1.
De l'antiquité à 1949 : les pratiques ancestrales
1. Les pratiques ancestrales Dynastie des Han (206 av. JC à 220 ap.JC)
Le "jeu des cinq animaux" est une technique de longévité des plus anciennes. Le fait d'imiter les mouvements des animaux sauvages afin d'aguerrir son corps remonte loin dans l'histoire. Au temps des "Han postérieurs"( 25-220 ap. JC), le célèbre médecin Hua Tuo développa les mouvements des 5 animaux : ours, tigre, cerf, singe et grue que l'on nomma "le jeu des 5 animaux de hua tuo".
Les lettrés de l'école taoïste (daojia) de cette période, en continuité avec la pensée de Laozi et de Zhuangzi (vers 370-300 av. JC), ont écrit des essais sur l'art de nourrir la vie ou la préservation de sa santé. Les trois royaumes (220-265) Xi Kang (223-262 ap J-C), un des plus brillants esprits de son époque, a écrit le yang sheng lu (nourrir la vie) : ce concept englobe la notion d'hygiène, de gymnastique, de massage, de techniques respiratoires, de diététique, de règles de vie. Cette notion est la base du qi gong moderne. Dynastie Jin (265-420) Ge
Hong (283-343) a écrit le traité le plus complet sur la quête de « L’homme
est au sein du souffle (qi),
et le souffle est au sein de
l’homme.Depuis le ciel et la terre jusqu’à la myriade des êtres, il
n’est rien qui ne dépende du souffle pour vivre. Qui maîtrise la
conduite du souffle l’utilise en lui pour cultiver son corps et hors de
lui pour écarter le mal. Le peuple en fait usage chaque jour mais ne le
sait pas. » Baopuzi neipian Gallimard
page 103 Dynasties du nord et du sud (420-589) Avec l'introduction (vers 60 ap J-C) du bouddhisme en Chine et son développement entre le 5ème et 10ème siècle, les pratiques corporelles (exercices physiques et pugilistiques) se développent dans les monastères. Le Yi Jin Jing fut introduit d'après la légende par Bodhidharma dans le temple Shaolin sur le mont Tsongchan. Ces exercices constitués d'étirements des muscles et des tendons étaient pratiqués par les moines pour éliminer la fatigue et garder une bonne condition physique après les prières et le travail.
Dynastie des Tang (618-907)
Sun Simiao (581-682), célèbre médecin et pharmacien, donne les premières indications pour les massages de santé dans son ouvrage classique (30 tomes) le beiji qianjin yaofang (précieuses ordonnances pour les cas urgents). Cet ouvrage est encore aujourd'hui un livre indispensable dans la médecine traditionnelle chinoise (MTC). Dynastie des Song (960-1279) Cette
période est prolifique en documents sur les arts corporels chinois.
Cette période fut très troublée. La guerre avec les barbares du nord, la corruption de l'état et la famine agressaient le peuple. Le Général Yue Fei (1103-1141) fut un héros national en combattant les barbares. il créa les Ba Duan jin (huit pièces de brocart) pour améliorer la santé de ses soldats. Il fut le premier à introduire systématiquement le wushu (techniques martiales) dans la formation des troupes. Il serait aussi à l'origine des styles de boxes : xing yi et des serres de l'aigle.
Dans un ouvrage de Zhou
Lujing rédigé en 1579, " La moelle du phénix rouge" (chifeng sui),
nous observons un tableau de daoyin des anciens immortels, des personnages
légendaires qui fournissent au peuple des symboles et des modèles pour
mieux vivre.
Luo
Hongxian, lettré taoïste, publia à la même époque deux ouvrages
de référence, le" Weisheng zhenjue"(formules pour se
maintenir en bonne santé) et le "Wanshou xian shu"
(livre des immortels). Ces ouvrages comportent les exercices respiratoires
taoïstes des anciens immortels ainsi que des prescriptions
médicales.
Période de la dynastie des Qing (1644-1911) Les pratiques psychosomatiques des taoïstes ont été pour la première fois signalées en France par le père jésuite Jean-Joseph Amiot (1718-1793) qui arriva à Pékin en 1751, où il mourut en 1793. Il interpréta les attitudes du "kong fou" dans son livre mémoires sur les Chinois tome 4 (auteurs P.M CIBOT /J.J AMIOT).
La principale source d'inspiration pour le qi gong moderne demeure le traité illustré "Neigong tushuo" (explications du travail interne), préfacé par Wang Zuyuan. Ce dernier séjourna pendant 3 mois au temple Shaolin en 1854. Un des chapitres important est la "méthode des douze trésors" (shi er duan fa).
Entre 1800 et 1900, plusieurs auteurs firent des compilations, des révisions et des rajouts des traités anciens. Presque tous les documents illustrés de dessins explicatifs des techniques datent de cette époque. Le contact avec l'occident a amené les Chinois à valoriser leurs savoirs ancestraux. En 1895, John Dudgeon, médecin écossais, a écrit le kung fu or medical gymnastics, il s'est aperçu que les pratiques chinoises avaient une valeur hygiénique. A cette époque, le savoir et l'enseignement commencent à se populariser vers les laïcs. Mais la transmission se fait toujours par un maître dans le cadre de disciples, de petit groupe ou dans la famille (le clan) suivant l'école et le courant d'origine . Les courants
historiques ancestraux : Ces
5 grands courants se sont influencés et mélangés mutuellement au
cours des siècles dans les pratiques populaires. La base commune est la
notion de préservation de la santé, soit pour vivre en harmonie avec la nature,
soit pour le contrôle de
soi, pour servir le bien commun, ou pour être fort pour servir la famille
ou son clan. République de Chine (1912-1949) La notion de sport pour l'éducation et l'hygiène avec l'influence de l'occident commence à rentrer dans les moeurs. Les jeux olympiques modernes engrangent un engouement pour les sport athlétiques, la république de Chine organise des jeux nationaux. Des cours de culture physique à la mode occidentale rentrent dans les écoles.
Des associations sportives ouvertes à tous commencent à faire leur apparition.L'association de culture physique" jingwu" ouvre des filiales dans toutes la Chine. Les arts martiaux subissent des transformations insistant sur l'aspect sportif ou l'aspect santé (taiji quan).
Pendant le conflit entre les forces nationalistes et les forces communistes, la guérilla communiste se fia à des thérapeutes locaux traditionnels malgré un discours critique du parti sur "ces pratiques superstitieuses".
2. La création du Qi Gong moderne
1949 à 1954 La création du qi gong moderne s'est fait avec l'arrivée au pouvoir du parti communiste. Par manque de moyen et pour utiliser le potentiel humain existant, le gouvernement décide d'utiliser les savoirs ancestraux dans le cadre de la médecine tout en essayant de la moderniser et de la rénover. Liu
Guizhen (1920-1983), jeune
cadre du parti, sera soigné en 1947 d'un ulcère par son oncle Liu
Duzhou qui lui apprend le travail de la force intérieure (neiyanggong),
pratique transmise traditionnellement de maître à disciple. Le 3 mars 1949, Huang Yueting, chef des chercheurs au sanatorium, proclame formellement l'adoption du terme qi gong lors d'une réunion de travail sur la santé. Le
choix de ce terme a été difficile mais il fallait trouver un
nom officiel à cette méthode thérapeutique. Les expressions
"méthode thérapeutique pour l'esprit" (jingshen liaofa),
"méthode de thérapie psychologique" (xinli liaofa) furent
envisagées. Le
choix de ce nom sera critiqué par de nombreux spécialistes
trouvant le terme "qi" inapproprié, ce terme ayant
beaucoup de
significations. De
nombreux courants préférerons garder le terme ancien :
1954 à 1961 L'originalité de Liu Guizhen et son équipe de chercheurs est de regrouper de nombreuses pratiques qui se complètent et de créer une théorie qui est la base du qi gong d'aujourd'hui.
Il
définit le Qi Gong comme intégrant la "triple discipline"(santiao)
:
Au
départ, Liu Guizhen enseignait 4 méthodes au sanatorium de
Beidahe : D'autres
sanatoriums ou des cliniques en Chine vont introduire "la méthode qi
gong" dans le cadre de soin avec prescriptions en fonction de la
maladie. Le traitement peut comporter des séances d'acupuncture, de
massage et de drogues herbales. A Pékin, les méthodes les plus répandues sont le zhanzhuangong (méditation en posture du pieu) et le jeu des cinq animaux de Hua Tuo. Dans le sanatorium de Shanghai est créé le qi gong de relaxation (fangsonggong) dérivé des techniques de méditation de Jiang Weiqiao (1873-1958) car on s'est aperçu que la tension nerveuse est un obstacle au bien-être .
Le taijiquan de santé a été considéré rapidement comme une forme de qigong. Le livre de Liu Guizhen publié en 1957 qigong liafo shixian (application de la thérapie par le qi gong) sera la référence. Le concept et le modèle de sa méthode seront reproduits dans de nombreux ouvrages jusqu'à aujourd'hui. Ce fut "le grand bond en avant" pour le Qi Gong, les échanges entre les experts populaires et les hôpitaux et facultés de médecine sont à leur apogée. Grâce au mot d'ordre : "le médecin doit étudier le savoir du peuple pour servir la nation".
1962 à 1964 Un revirement commence contre la médecine traditionnelle. La plupart des fondateurs du Qi gong moderne étaient des élites du parti. Mao Zedong commence ses attaques contre l'appareil du parti vers 1960. Toutes les structures institutionnalisées se ferment et les dirigeants critiqués. La période de 1949 à 1964 a été une période d'échange et de mise en pratique des techniques de longévité et de santé dans un cadre d'état. La plupart des pratiquants faisaient partie de l'élite du parti. Le mode de transmission médecins / patients a pris la place du mode ancien maître / disciple.
3. La répression et la clandestinité
1964 à la fin des années 70 Pendant la révolution culturelle, toutes les institutions d'état ont été fermées et les praticiens envoyés en camp de rééducation. Les pratiques familiales et populaires ont continué dans la clandestinité. Mais
une pratiquante fait de la résistance dans les parcs publics
et sa pratique marquera la résurrection du Qi Gong : Guo Lin, une
artiste
peintre.
4. Le renouveau du Qi Gong
1978 à 1989 Guo Lin, fort de son expérience de sept années d'enseignement et de soins et avec l'aide de dirigeants du parti, promulgue sa "nouvelle méthode thérapeutique de qi gong". Ayant elle-même soigné son cancer grâce à son grand-père (maître taoïste) puis soigné de nombreux malades dans les parcs, elle envoie un rapport en 1977 sur sa méthode au ministère de la santé.
L'innovation
principale de Guo Lin est l'enseignement dans les parcs hors des
institutions des années 50. Ceci a permis la diffusion de masse, de
nombreux groupes se forment, le qi gong devient populaire. Les grandes lignées de la pratique de masse apparaissent : "
le qi gong de la grande oie" de Yang Meijun
"L'envol
de la grue" de Zhao jingxiang "
Qi gong nourrissant" de Ma Litang Ce
vent de liberté et ce défoulement
collectif vers le qi gong engendrera des abus. Il y eut pendant cette période une multitude de nouveau qi gong. Toutes ces lignées auront un maître fondateur : Liang Shifeng (mouvements spontanés du jeu des cinq animaux), Pang Heming (qigong de la sagesse), Zhang Hongbao (zhonggong)...
1989 à 1999 L'état essaye de contrôler "la vague" du qi gong en publiant la liste des lignées de masse autorisées à enseigner. En 1995, la critique est forte envers le monde du qi gong : culte de la personnalité, retour des superstitions féodales, abus thérapeutiques, escroqueries, pseudo maîtres. Des groupements comme le falungong et le zhonggong prennent une importance considérable dans tous les secteurs de la société. En 1999, Li Hongezhi (falungong) va trop loin dans les manifestations populaires. Le gouvernement lance une campagne pour la suppression du falungong. Dans la foulée, tout le monde du qi gong est touché. La plupart des associations sont démantelées. L'état réglemente son propre système d'enseignement et d'administration du qi gong hygiéniste.
5. La réglementation de la pratique
1999 à 2016 Aujourd'hui,
l'état chinois a essayé d'écarter tous les pseudo qi gong des
années 80 et les groupes sectaires. Le qi gong est scindé en 2
pôles, le
qi gong thérapeutique enseigné et pratiqué dans les lieux de
soins (cliniques et hôpitaux, sanatorium) et le qi gong hygiéniste de
bien-être enseigné dans les parcs ou dans les centres sportifs.
En
2016 : une mauvaise tendance Depuis
quelques années, l’association chinoise du Qi Gong pour la santé (relevant de
l’Administration Nationale Chinoise du Sport) organise des stages dans
le monde entier pour promulguer les
formes officielles chinoises du Qi Gong .
Elle incite les participants à la fin des stages de passer des GRADES (duan) de Qi Gong.
Le Qi Gong et le Yi Quan
Le
yi quan de maître Wang Xiangzhai (1885-1963) a été fondé vers 1920 sur les bases du
xingyi quan et des arts martiaux. Maître Wang et son meilleur disciple, Yao
Zongxun (1917-1985), ont gardé le terme ancestral désignant les pratiques
corporelles : yang sheng fa
(méthode pour nourrir la vie), il n'ont pas
voulu adhérer au terme qi gong comme de nombreux maîtres à l'époque des années 50 car ce terme
englobait
certaines pratiques qui n'avaient rien a voir avec les exercices basés sur
le développement personnel (gong fu) et le contrôle de soi.
Conclusion Les
techniques pour préserver la santé et prolonger la vie font partie du patrimoine
chinois. Ces pratiques demandent un effort personnel, une pratique
quotidienne et de la volonté pour obtenir des résultats.
Copyright© P.Gaggia octobre 2007 / janvier 2015 / avril 2016 Mes sources : "Soins
et techniques du corps en Chine au Japon et en Inde" "Se
maintenir en bonne santé" Méthodes traditionnelles chinoises "Les
secrets de la longévité" "La
fiévre du Qigong" guérison, religion et politique en Chine,
1949-1999 "L'homme"
Revue Française d'Anthropologie Chine: facettes d'identité "La
pensée en Chine aujourd'hui" sous la direction d'Anne Cheng Et les livres de la page "livre sur le Qi Gong"
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